Aborder les grands enjeux au sein de l’université

Consultations régionales en Afrique, en Asie et dans le Pacifique Sud

L’université est et devrait être un endroit où l’on peut mener une réflexion sérieuse. Lorsque les étudiants entrent à l’université, ils se retrouvent souvent immergés dans des débats sur leur discipline spécifique et confrontés à des questions complexes qui reflètent le contexte de la culture et du système politique du pays.

Le projet Grands enjeux au sein de l’université vise à promouvoir le dialogue et l’engagement théologique au sein du corps enseignant, chez les étudiants et le personnel de l’IFES, concernant les grandes questions rencontrées dans nos universités. Au cours des derniers mois, des consultations régionales ont eu lieu en Tanzanie, au Sri Lanka et en Australie. Organisées en partenariat avec les mouvements locaux, ces consultations ont réuni des personnes de différents pays pour aborder et approfondir ensemble les questions et les enjeux auxquels les chrétiens sont confrontés dans leurs universités.

L’IFES est un mouvement très diversifié. Entre les mouvements nationaux de l’IFES, il existe d’importantes différences en termes de taille et de niveau de développement, de nombre de membres du personnel, de relations avec les Églises, d’accès aux ressources (argent, livres, formations…), de stabilité et de viabilité à long terme. D’un pays à l’autre, on trouve également de grandes différences en termes de diversité culturelle, de ressources et de stabilité politique. Malgré cela, les consultations ont montré qu’il existe certains enjeux communs.

Poursuivez votre lecture pour en savoir plus sur les questions et les enjeux identifiés lors des consultations.

Afrique anglophone et lusophone, Octobre 2017

La consultation en Tanzanie a rassemblé 24 étudiants, enseignants universitaires et membres du personnel de l’IFES de 12 mouvements nationaux de la région EPSA pour discuter des enjeux auxquels ils sont confrontés dans leurs efforts pour s’impliquer dans leurs universités.

Le fait de considérer l’université dans son ensemble a servi de point de référence. Pour nous aider à réfléchir, nous avons commencé par faire une cartographie spirituelle, de façon à visualiser tous les aspects du campus. L’expression « grands enjeux » a immédiatement fait écho chez les participants. La rubrique « grands enjeux » regroupe tout un éventail d’expériences et de situations communes aux mouvements à travers l’IFES-EPSA.

Le groupe a identifié plusieurs enjeux communs aux différentes universités de l’IFES-EPSA, dont : le fondamentalisme religieux, le tribalisme/l’appartenance ethnique et la décolonisation. Dans leurs contextes universitaires spécifiques, ils sont confrontés à des questions difficiles :

  • Peut-on être chrétien et engagé en politique ?
  • Comment interagir avec des personnes dont les croyances religieuses sont différentes ?
  • Quel est la finalité d’une université en Afrique ?
  • Comment une université peut-elle opérer avec si peu de ressources ?
  • Que pouvons-nous faire concernant la pauvreté, l’immoralité sexuelle, la corruption, et les pratiques abusives lors des examens ?

Grace Lyanda nous parle du moment où le NIFES a identifié la nécessité d’entreprendre des recherches et des développements :

Bien entendu, nous faisions tout ce que nous devions faire : des études bibliques, la mission, etc. Malgré cela, beaucoup d’étudiants avaient de graves problèmes. Puis, en 2003, des leaders étudiants nationaux se sont exprimés : « Vous ne nous avez pas demandé ce dont nous avons besoin. » Ils ont dit : « Vous vous contentez de concevoir vos modèles de formation d’après les besoins que vous percevez. » Nous avons donc conçu et fait passer un questionnaire, où nous demandions : « Comment jugez-vous la pertinence du NIFES ? » Les réponses ont été : « Le NIFES propose de bonnes études bibliques, mais ne pose pas les véritables questions. » Les étudiants étaient aux prises avec des politiques administratives hostiles. Certains d’entre eux avaient un arrière-plan douloureux et avaient du mal à voir Dieu comme un Dieu d’amour. Ils avaient des problèmes de fond qui les empêchaient de suivre Dieu comme ils l’auraient voulu. Au Nigeria, nous sommes issus de milieux très pauvres. Les femmes étaient tirées vers le bas par leurs amis ou petits-amis qui les soutenaient financièrement. Les responsables ont donc décidé qu’il était temps de mettre en place un système qui permettrait de recueillir des informations auprès des étudiants dans le but d’adapter nos modèles de formation à leurs besoins.

C’est ainsi que le NIFES a créé une unité de recherche, de développement et de publication (qui emploie aujourd’hui quatre membres du personnel à plein temps) et l’École de développement entrepreneurial (SOED). Les objectifs de programme du SOED sont de doter les étudiants et les diplômés des compétences entrepreneuriales nécessaires pour instaurer une stabilité financière.

Il était clair que les « grands enjeux » faisaient partie intégrante du ministère sur les campus. Tout en apportant de nouvelles idées, la consultation a servi d’organe de réflexion et de point focal pour les enjeux locaux.

Asie du Sud, novembre 2017

La consultation au Sri Lanka, du 12 au 14 novembre 2017, a réuni le corps enseignant, les chercheurs et le personnel de sept pays d’Asie du Sud.

La consultation a commencé par une étude sur la notion d’interaction avec l’université, dirigée par Vinoth Ramachandra. La question suivante a dominé l’étude : « Pourquoi les universités/établissements d’enseignement supérieur chrétiens du monde entier perdent-ils leur culture chrétienne essentielle ou caractéristique ? ». Le groupe a exploré cette question en lien avec le mandat de l’université au sein de la société et de l’Église.

Le groupe a discuté des tendances en matière d’éducation dans la région, notamment :

  • La prise de décision non démocratique au sein du corps enseignant
  • Le maintien de la hiérarchie au sein de l’université (étudiants, admin., personnel)
  • Les cursus d’ingénierie et de médecine sont idéalisés et privilégiés
  • La privatisation de l’éducation
  • Les intérêts des entreprises orientent le choix des programmes de recherche
  • L’absence de vie communautaire sur les campus dû aux formations à distance et aux trajets que les étudiants doivent faire
  • Pots de vin et frais de scolarité
  • Influence politique et réécriture de l’histoire

Le groupe a examiné les diverses perspectives historiques, sociologiques, culturelles, anthropologiques, économiques et politiques dans leurs disciplines respectives, puis réfléchi à la façon dont ces perspectives interagissent avec la vision du monde chrétienne. Des questions ont été soulevées concernant les présupposés des différentes disciplines au sujet de Dieu, de la moralité, des systèmes humains défaillants, de la justice et de la destinée. Alors qu’ils se penchaient sur ces enjeux dans le cadre de leur enseignement et de leur domaine de recherche, les participants ont été invités à adopter une vision claire de la théologie de la création, de la révélation, du péché et de la réconciliation.

« Bien que j’aie participé à de nombreuses sessions de consultation académiques, de recherche et de développement, et que j’ai conscience de leur importance dans la planification et la prise de décision, je ne m’attendais pas à ce que des réunions de consultation telles que la consultation sur les Grands enjeux en Asie du Sud soit si pertinente. Cette rencontre m’a fait prendre conscience de la nécessité de combler le fossé entre les enjeux spirituels et sociaux ; d’être un exemple pour notre propre discipline et notre établissement ; d’aborder les questions et les défis que posent la société en général et le milieu universitaire en particulier, en participant à ce genre de dialogue. Une des conversations qui sortait du lot pour moi a été le témoignage d’une participante originaire d’un pays sensible, qui, malgré le fait qu’elle était la seule enseignante chrétienne de son établissement, et qu’elle risquait d’être discriminée et persécutée, a été assez courageuse pour témoigner de sa foi. » Un membre du corps enseignant.

Pacifique Sud, novembre 2017

La consultation en Australie a réuni 16 personnes d’Australie, de Nouvelle-Zélande, des îles Fidji, des îles Salomon et du Vanuatu. Plusieurs des enjeux pour les îles du Pacifiques ne leur sont pas spécifiques, mais sont communs à l’ensemble du Monde majoritaire. Ces enjeux sont assez différents de ceux que l’on rencontre en Australie et en Nouvelle-Zélande.

À travers les discussions en groupe et sessions de formation, les questions suivantes ont été identifiées :

  • Finalité de l’université : Est-ce une entreprise ? Les étudiants sont-ils des clients ? Quel est le rôle de la communauté au sein d’une université ?
  • Finalité de l’éducation universitaire : Est-elle de permettre aux étudiants d’accéder à des emplois bien rémunérés et à un style de vie opulent ? Quel est le rôle de l’éthique dans l’éducation ? Quelle est la responsabilité des diplômés en termes de service au sein de leur communauté ?
  • Grèves étudiantes : Ces deux dernières années, l’université de Papouasie-Nouvelle Guinée a souvent été fermée à cause des mouvements de grève des étudiants contre la corruption du gouvernement.
  • Corruption : Les participants ont expliqué qu’il s’agissait d’un problème de taille dans les îles mais que le sujet était rarement abordé.
  • Traumatismes liés aux abus sexuels : Dans les îles du Pacifique, on constate une prise de conscience du fait que de nombreux étudiants ont subi des abus sexuels, dans leur enfance ou leur adolescence, souvent commis par des membres de la famille.
  • Conflits ethniques : Les îles Fidji sont divisées entre les Indiens ethniques et les insulaires. La Papouasie-Nouvelle Guinée est divisée en camps linguistiques (wantok). Ces divisions sociales se retrouvent au sein de l’université, l’Église et des groupes de l’IFES.
  • Conflits de valeurs et de visions du monde : À l’université du Pacifique Sud, il y a souvent des conflits entre les universitaires occidentaux, les ONG, la pop culture américaine, et la culture insulaire traditionnelle.
  • Pauvreté des étudiants : La pauvreté empêche certains étudiants de terminer leurs études et de participer aux programmes de formation de l’IFES.
  • Manque de pensée critique : Comme dans la plupart des contextes du Monde majoritaire, les îles du Pacifique ont un système éducatif souvent axé sur l’apprentissage par cœur et l’autorité des enseignants. Il est donc contraire à la culture de poser des questions, surtout de grandes questions auxquelles il n’existe pas forcément une réponse « exacte ».
  • Manque d’initiative personnelle : Dans les îles, ce sont les anciens ou les étrangers qui disent aux gens ce qu’ils doivent faire. Le fait de prendre l’initiative personnelle d’aborder une grande question n’est pas courant.
  • Manque d’interaction avec les Écritures : À cause de l’absence d’esprit critique et d’initiative personnelle, il est difficile d’inciter les étudiants à lire et à étudier la Bible, encore plus de manière pertinente, de façon à avoir une vue d’ensemble du récit biblique, à réfléchir à ce qui est réellement dit, et à l’appliquer de manière appropriée à leur situation.

Ces questions engendrent les suivantes :

  • Comment les chrétiens du Pacifique Sud peuvent-ils vivre avec intégrité dans un contexte de pauvreté, de corruption, de traumatisme et de division ethnique ?
  • Quel est la finalité d’une université ?
  • Comment les groupes de l’IFES pourraient-ils jouer un rôle de pacificateur lors des grèves étudiantes ?
  • Comment pourrions-nous renforcer la capacité des groupes de l’IFES à aborder ces grands enjeux ?

Cette consultation s’est avérée être très précieuse pour le travail en réseau et le partage d’idées et de ressources entre les mouvements nationaux. Étant donné l’étendue géographique de la région et le coût des déplacements, beaucoup de participants se sentent isolés. Un participant a dit :

« La véritable force de la consultation dans le Pacifique Sud n’a pas tant été les grands enjeux que nous avons évoqués… Le point de départ à cet égard a été cette occasion rare de pouvoir renforcer de manière significative les relations entre les principaux responsables. »

Participez à la consultation mondiale

Dans le cadre du projet Grands enjeux au sein de l’université, nous sommes en train de concevoir un questionnaire officiel à l’attention des étudiants, du corps enseignant et du personnel de l’IFES. Il vous faudra environ 30 à 60 minutes pour le compléter. Cela nous aidera beaucoup à en savoir plus sur votre contexte et les outils qui pourraient vous être utiles.

Vous pouvez répondre au questionnaire en ligne ici.

Vous pouvez en apprendre plus sur le projet Grands enjeux au sein de l’université ici.

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