Une réconciliation coûteuse

Rétablir les relations dans un contexte de violence

Le rétablissement des relations est un concept qui se trouve au cœur même du message de l’Évangile, Dieu ayant choisi de réconcilier les hommes avec lui-même par le Christ.

En tant que chrétiens, nous sommes appelés à pardonner et à être pardonnés. Mais une telle réconciliation peut s’avérer encore plus exigeante pour ceux qui ont été victimes de la guerre, d’un génocide ou d’un conflit sectaire.

L’ancien Secrétaire général des GBU du Rwanda, Antoine Rutayisire, et le pasteur presbytérien de l’Irlande du Nord, le révérend Steve Stockman, nous ont parlé du rôle qu’ils jouent en matière de réconciliation nationale et s’il est possible de tirer des leçons quotidiennes de tels événements tragiques.

La réconciliation est une affaire de cœur

« La réconciliation n’est pas un sujet très à la mode », affirme Antoine, qui a servi en tant que commissaire et vice-président de la Commission sur l’unité nationale et la réconciliation, et qui est maintenant pasteur principal de l’Église anglicane de théologie de Kigali, au Rwanda. Il est également directeur du Collège anglican de théologie de Kigali.

« Comment peut-on demander à un meurtrier de se lever en public et de confesser qu’il est un homme méchant qui a tué de nombreuses personnes ? »

Le pays d’origine d’Antoine, le Rwanda, d’abord colonisé par l’Allemagne, a été récupéré par la Belgique durant la Première Guerre mondiale selon un mandat confié par la Société des Nations. Il a ensuite été exposé à plusieurs cycles de violence qui ont culminé dans les circonstances tragiques que l’on connaît. En l’espace de 100 jours, en 1994, un million d’individus ont été massacrés lorsque le gouvernement dirigé par les Hutus a décrété le lynchage systématique des Tutsis.

Lorsque la tragédie devient personnelle

En 1963, Antoine a perdu son père victime de violence et il a grandi dans la période où le pays vivait ses premières vagues de massacres perpétrés contre les Tutsis.
Dix ans plus tard, lui et des centaines d’autres jeunes ont été empêchés de poursuivre leurs études tandis que le climat de violence menaçait de dégénérer.

En 1983, il perdit le poste très prometteur de professeur qu’il avait obtenu dans une des universités du Rwanda et on l’envoya alors enseigner dans une école secondaire rurale simplement parce qu’il était Tutsi.

« Cela a ajouté une branche supplémentaire à la haine qui me rongeait déjà. J’ai grandi en étant rempli de colère et de haine contre les gens qui avaient commis des crimes atroces envers moi et ma famille.

La puissance transformatrice du Christ

Antoine s’est empressé de souligner que sa détermination à aider différents groupes ethniques à travers le processus de réconciliation lui vient de la réalisation que si le Christ nous a réconcilié avec lui, il nous faut adopter la même attitude, en commençant par notre propre cœur.

« Ce fut durant cette période, alors que je fulminais et nourrissais de la haine pour tout ce qui était arrivé, que Jésus est entré dans ma vie. J’ai alors été mis au défi à cause de la lutte qui faisait rage dans mon cœur.

J’ai confessé ma haine, j’ai pardonné à ces gens et je me suis mis à prêcher la réconciliation. La réconciliation n’est pas un sujet très populaire lorsque vous êtes blessé. Comment fait-on pour demander à un meurtrier de se lever en public et de confesser qu’il est un homme méchant qui a tué beaucoup de personnes ? Et comment peut-on oser dire à quelqu’un qui a perdu sa famille entière qu’il devrait pardonner de tels crimes ? Ce n’est pas un sujet facile et l’on vous accuse souvent d’être d’un côté ou de l’autre. »

Encourager la réconciliation sur le campus

Un moyen pratique par lequel les universitaires de Bogotá, en Colombie, soulignent l’importance de la réconciliation dans la vie de ceux qui les entourent est par le biais d’un mur interactif.

La sculpture créée par les étudiants de l’UCU Colombie encourage les gens à réfléchir aux murs de séparation dans la société. Les étudiants veulent souligner ainsi que la mort de Jésus à la croix a détruit le mur de séparation entre Dieu et l’humanité.

Engendrer des relations saines et changer les mentalités en Irlande du Nord

Le révérend Steve Stockman, de l’Église presbytérienne Fitzroy de Belfast, s’est joint au père Martin Magill, de confession catholique, dans l’espoir de favoriser le rétablissement des relations et de guérir les profondes divisions entre catholiques et protestants dans différents secteurs de Belfast. Faisant allusion à la situation du Rwanda, il affirme que le processus de réconciliation peut souvent être extrêmement difficile lorsque des façons de penser négatives cultivées durant des décennies sont transmises d’une génération à l’autre.

Des antécédents problématiques

L’Irlande du Nord a connu de nombreux épisodes de violence à la fin des années 1960 et durant les décennies qui ont suivi. La situation a perduré jusqu’à l’implémentation de l’Accord du Vendredi saint, en 1998.

Le conflit avait une dimension ethnique, parce que le statut constitutionnel de l’Irlande du Nord se trouvait alors menacé. Les Unionistes se considéraient britanniques, alors que les nationalistes irlandais aspiraient à faire plutôt partie d’une Irlande indépendante et unifiée.

Entamer des démarches de réconciliation

Steve a senti l’appel de s’engager dans un travail de réconciliation en 2009, lorsqu’il a compris le rôle clé que l’Église pouvait jouer pour favoriser l’unification des différentes communautés à travers la ville de Belfast et dans le reste du pays.

Il a raconté l’histoire de l’un de ses anciens internes qui n’avait jamais connu son père, tué par l’explosion d’une bombe avant sa naissance.

Steve a applaudi la force de ceux qui ont été personnellement affectés par les hostilités et qui ont été capables de se réconcilier avec leurs « ennemis ».

« Comment fait-on pour composer avec la douleur de tels événements tragiques ? Ou même pour envisager la possibilité d’une réconciliation lorsqu’on a tué des membres de votre propre famille ? Or, ceux qui sont les initiateurs de ce processus de paix sont ceux qui ont souffert le plus.

Pour toutes les personnes en question, le passé — quels que soient les événements tragiques impliqués — demeure toujours présent dans les enjeux de la réconciliation.

Ma prière est que les gens de partout — les étudiants y compris — rencontrent Jésus et découvrent ainsi la puissance de la croix et comment elle guérir et réconcilier les êtres humains les uns avec les autres.

Le pouvoir du pardon est considérable. »


Répondre

  • Tandis que le monde aspire à survivre aux conflits globaux dévastateurs et à retrouver un certain équilibre, comment cherchez-vous à vous réconcilier avec ceux qui vous entourent ?
  • Les initiatives de réconciliation au Rwanda et en Irlande du Nord vous interpellent-elles au niveau personnel ?

Merci de partager vos pensées et vos réflexions dans l’espace réservé aux commentaires plus bas.

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